La Culture
Gays, gays, chantons-les
La comédie musicale « Chantons dans le placard » raconte un siècle de flirts entre variété et homosexualité.
Il se voyait déjà en haut de l’affiche . Débarqué
de sa province coincée, un jeune chanteur homosexuel (Benoît Romain)
se rend à Paris pour passer »Le » casting qui pourrait changer sa
vie. Un rôle dans la comédie musicale gay qui se monte à Mogador.
Pour trouver la chanson qui fera la différence devant le jury, il
prend conseil auprès d’un vieil artiste « pédé » (Denis D’Arcangelo),
fin connaisseur du répertoire homo. Le « maître » se prête au jeu
et donne à son « élève » un cours magistral sur l’homosexualité
dans la chanson française au XXème siècle, sous l’œil amusé de son
compagnon de vie et de scène (Patrick Laviosa).
La trame est simple mais colle parfaitement à l’ambition didactique
du spectacle imaginé par le producteur Hervé Latapie. « Je voulais
montrer comment la chanson est à la fois un reflet de l’évolution
de l’homosexualité dans notre société, mais aussi un outil subtil
qui en contournant la censure sociale contribue à faire évoluer
les mentalités », explique celui qui est aussi le patron du Tango,
dancing de Paris transformé en cabaret pour l’occasion.
Refrains « homo-humanitaire »
Aidé par deux spécialistes de la chanson française
(Hélène Hazera et Thierry Dupin), Hervé Latapie a réuni une trentaine
de titres parlant de « la chose) sur des registres tantôt coquins,
tantôt pudiques, tantôt moqueurs, tantôt flatteurs au gré des époques
et des auteurs . Une ballade musicale au sein de la culture gay
mise en bouche par une figure de « la cause homo », Michel Heim,
fondateur du Groupe de Libération Homosexuelle dans les années 70.
Il y a bien sûr les « classiques », connus du grand public, jouant
sur l’émotion -Comme ils disent (Aznavour 1972), Un garçon pas comme
les autres (Starmania,1979) ; l’affirmation de soi -Entre elle et
moi (Sanson-Lara, 1991), Une femme avec une femme (Mecano,1990) ;ou la dérision-La grande Zoa (Régine,1965), Le rire du sergent
(Sardou, 1970). Il y a aussi les chansons taxées « homo humanitaires » interprétées avec tolérance par des chanteurs soucieux de préciser
qu’ils « n’en sont pas »-La plus belle fois qu’on m’a dit je t’aime
(Lalanne,1980), P’tit pédé (Renaud,2003).
Mais la chanson gay a, depuis les années folles, su se faire entendre/
à demi-mots par des chanteurs populaires (Charles Trénet, Guy Béart),
dans une exquise ambiguïté chantée par l’icône lesbienne de l’entre
deux-guerres Suzy Solidor ou par des « folles » revendiquées( Le
tsoin-tsoin d’Odett ou la Tapette en bois de Jacki). Ne sont pas
oubliés les textes caricaturaux, qu’on qualifierait aujourd’hui
d’homophobes, mais qui à l’époque allaient dans le sens de l’imagerie
populaire de « l’homo efféminé » (On dit qu’il en est, Fernandel).
Un tour d’horizon drôle, attachant et surprenant pour public de
tous genres.
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